Denys-Paul BOULOC

Denys-Paul BOULOC



Denys-Paul Bouloc est né à Le Monastère, au sud de Rodez, en 1918. Après des études « aussi hétérodoxes qu’intermittentes », Denys-Paul fait de nombreux métiers, avant de découvrir sa passion : la poésie. Il devient éditeur, secondant Georges Subervie et Jean Digot au sein de la revue les Feuillets de l’îlot, fondée en 1937, avant de lancer sa propre revue Méridien, Art, pensée, littérature (11 numéros de mai 1942 à février 1944), qu’il transforme en maison d’édition.

On y retrouve quelques-unes des grandes voix de l’époque : Alain Borne, René-Guy, Cadou, Georges-Emmanuel Clancier, Luc Decaunes, Robert Desnos, Pierre Emmanuel, Jean Follain, Maurice Fombeure, Federico Garcia Lorca, Eugène Guillevic, Jacques Prévert, Ribemont-Dessaignes, André de Richaud, Henri Rode, Jean Rousselot, Pierre Seghers, Claude Sernet, René Tavernier, André Verdet, Ilarie Voronca… Bouloc demeure fidèle à Subervie fils, qui publie quatre de ses livres (parmi la vingtaine qu’il publie, poésie, prose, essais et théâtre confondus) : Respect au Balayeur (1968), Approches de minuit (1970), Raison majeur (1976) et le roman Éclairs de chaleur (1987). Sa Nuit de l’homme (éditions des îles de Lérins, 1945) est préfacée par Voronca (« Je suis heureux d’être son compagnon de route et d’unir mon nom au sien sur l’avant-page de ce poème qui n’est lui-même – comme tout poème – que la préface à un autre merveilleux poème dont on entend déjà l’impalpable murmure : la vie de demain et de toujours »), qui fut son aîné, son ami et aussi son auteur, qu’il publie aux éditions Méridien : les poèmes de Les Témoins (1942), les récits et nouvelles de La Confession d’une âme fausse (1942) et de La Clé des réalités (1944).

Denys-Paul témoigne plus tard, à propos de son parcours : « Je suis un parfait autodidacte et je dois rendre hommage à Georges Subervie qui m’a fait confiance en me donnant la chance de faire ce que je voulais dans ma jeunesse… J’ai ensuite participé à la revue Combat puis à la réalisation de journaux de la Résistance. Lors de mes débuts d’éditeur à Rodez, j’ai aussi eu la chance d’éditer, notamment, Federico Garcia Lorca et des auteurs juifs en déjouant la censure de Vichy ».

Le crédo de Denys-Paul en poésie est : « Ne plus se fier aux phrases imprécises », invitant, comme le remarque Robert Sabatier, à la manière de Thoreau, à retrouver la communication avec une nature où rôde le bonheur. L’homme-poète chemine et s’émerveille aussi bien des animaux familiers que des spectacles offerts par la variation des heures et des climats, aussi bien de la sensualité du corps féminin que de la coulée du temps : J’avançais désireux – d’explorer des contrées – que l’ardeur du jeune âge – rendait incandescentes… Figure essentielle de la poésie rouergate avec Jean Digot, Denys-Paul le Ruthénois s’inscrit dans la lignée de « la poésie à hauteur d’homme », telle qu’elle fut incarnée par les poètes de l’école de Rochefort, et l’un de ses chefs de file, le grand poète, critique, romancier, et Résistant, Jean Rousselot, qui fut mon grand ami et aîné et aussi celui de Denys-Paul. C’est d’ailleurs par Jean Rousselot et naturellement la mémoire et l’œuvre d’Ilarie Voronca, que nous avons fait connaissance et sommes devenus ami Denys-Paul et moi. Je me souviens de sa passion intacte de la poésie, de sa fidélité sans faille aux amis, de son côté bon vivant, comme le sont les Aveyronnais, de sa gentillesse et de sa générosité et surtout de ses anecdotes savoureuses. Il était intarissable : « On a beau se dire que le ciel est bleu, si le ciel est noir, l’œil décidera de la différence. » Denys-Paul Bouloc est décédé en 2005, à l’âge de 87 ans.

À lire, Poésie : Cris (éd. de l’Ilot, 1940), Nuit de l’homme (éd. des Îles de Lérins, 1941), L’Aube du lendemain éd. du Méridien, 1942), Nostalgie des attentes (Les Feuillets de l’Ilot, 1942), La vie de toujours (éd. du Méridien, 1947), Le change, théâtre (Jeanne Saintier, 1950), La part des oiseaux (éd. du Lampadaire, 1954), Frontières irrévocables (Périples, 1972), Bestiaire (éd. Saint-Germain-des-Prés, 1974), Raison majeure (Subervie, 1976), Temps variable (éd. du Lampadaire, 1981), Vivre ici (éd. du Lampadaire, 1983), Visa pour l’oubli (éd. du Lampadaire, 1991), Dédicaces (Fil d’Ariane, 2004). Proses : Les Passants du crépuscule, contes et récits (éd. du Méridien, 1945), Horizons interdit, récit (éd. du Myrte, 1947), Ilarie Voronca, essai (Subervie, 1961), Respect au balayeur, nouvelles (Subervie, 1968), Eclairs de chaleur, roman (Subervie, 1987), L’explorateur d’épaves, roman (Fil d’Ariane, 1998).

 

Christophe DAUPHIN

(Revue Les Hommes sans Épaules).

 



Publié(e) dans la revue Les Hommes sans épaules


 
Dossier : Ilarie VORONCA, les poètes du Rouergue et du Gévaudan n° 59